Les Fils du chou
Ou : comment une soirée entre deux films peut inspirer l'envoi d'une newsletter
L’autre soir, j’étais hésitant. Le classique franchouillard La soupe aux choux, dont mes souvenirs se résumaient à un Jacques Villeret en combi jaune, passait à la télévision. L’occasion de me pencher sur cette comédie mâtinée de science-fiction.
Mais il se trouve que j’avais envie depuis longtemps de revoir Les Fils de l’Homme, dont les images m’ont durablement marqué. Trêve d’introduction : j’ai fini par regarder les deux.
Et j’ai été frappé par la façon dont le futur semblait beaucoup plus sympathique en 1981 qu’en 2006. On me rétorquera que Blade Runner est sorti en 1982 et Soleil Vert en 1973, mais je n’ai pas pu m’empêcher de me dire que tout de même, on est passé en 25 ans d’un Villeret extraterrestre qui se rend sur Terre grâce à un concours de pets à une vision d’un futur où l’apocalypse lente se déroule dans une société violente.
C’est sur cette vision que je vais m’attarder dans cette édition, les plans-séquences de Cuarón m’ayant fait plus forte impression que les grimaces de Louis de Funès (déso pas déso).
Les Fils de l’homme, apocalypse en cours
On ne va pas y aller par quatre chemins : Les Fils de l’homme est l’une des meilleures dystopies jamais portée à l’écran. Marqué par le 11 septembre, les mouvements altermondialistes et la crise des réfugiés (déjà), le réalisateur mexicain Alfonso Cuarón s’inspire vaguement d’un livre de la romancière P.D. James pour livrer sa vision de 2027. Et c’est peu dire que d’affirmer qu’il tape juste.
Crise de confiance dans la science, inégalités sociales, terrorisme, sectes millénaristes, réchauffement climatique, militarisation de nos sociétés, complotisme, résistance à l’oppression, dérives médiatiques… toutes ces thématiques sont abordées, parfois par touches impressionnistes à l’arrière-plan, mais toujours avec finesse.
Engagez-vous, qu’ils disaient
Une Angleterre transformée en forteresse fait face à la fin programmée de l’humanité : depuis une vingtaine d’années, les humains ne peuvent plus avoir d’enfants. Déjà au bord de l’implosion, la société a mis l’accent sur le sécuritaire pour lutter contre l’afflux de réfugiés venus d’Europe ou d’ailleurs. Cantonnés dans des camps, ils font l’objet d’une indifférence passive de la parte du reste de la population. Mais quelques groupes luttent néanmoins, mettant tout leurs espoirs dans une mystérieuse organisation baptisée The Human Project.
Au milieu d’un Londres où les rickshaws circulent entre des bus à impériale en état de délitement avancé, on retrouve Théo. Le personnage principal est un ancien activiste revenu de tout, que la vie a transformé en cynique désabusé. Jusqu’à sa rencontre avec une jeune femme, Kee, qui porte en elle l’espoir d’un avenir pour l’humanité.
Je vous l’accorde, le pitch n’est pas d’une originalité folle. Mais c’est son traitement qui fait passer Les Fils de l’homme dans la catégorie chef-d'œuvre. La virtuosité de Cuarón y est pour beaucoup. Le casting impeccable, de Clive Owen à Julianne Moore en passant par Michael Caine donne corps et présence à des archétypes attachants.
Comme le relève l’excellent Benjamin Patinaud aka Bolchegeek sur YouTube, ce qui fait de cette œuvre un grand film est également la réflexion qu’il porte sur l’engagement, et sur le potentiel de transformation du désespoir en lutte, et en actions. D’actualité, donc.
On ne peut que rejoindre le Youtubeur dans son analyse, qui tend à démontrer que le film est d’abord une œuvre sur l’espoir : “Les Fils de l’homme est un film, et ça plairait à Antonio Gramsci, qui allie le pessimisme de la raison à l’optimisme de la volonté”. On ne saurait mieux dire. Mais on complètera tout de même par une citation de Jean-Paul Sartre (ça fait toujours classe), tirée de L’Être et le Néant : “C’est dans l’angoisse que l’homme prend conscience de sa liberté ou, si l’on préfère, l’angoisse est le mode d’être de la liberté comme conscience d’être, c’est dans l’angoisse que la liberté est dans son être en question pour elle-même”. A méditer, comme on dit.
Bonus : La BO du film est un délice. On peut entre autres y entendre quelques notes d’un des grands morceaux de Radiohead : Life In a Glass House.
Les bonnes questions. Slate s’est posé LA question : “Pourquoi la fusée de Jeff Bezos ressemble-t-elle autant à une bite?”. Et le pire, ou le meilleur, c’est que le site y apporte des réponses.
MetaMark. Mark Zuckerberg est bloqué. Depuis 5 ans, le patron de Facebook affirme à qui veut bien l’entendre que, grâce à la réalité virtuelle, Facebook pourra devenir un métavers. Un monde virtuel (metaverse en anglais) créé par un programme informatique dans lequel les utilisateurs peuvent se divertir, socialiser, ou travailler. Un Seconde Life nouvelle formule en somme. Et l’occasion de revoir ce grand moment de malaise : un Zuckerberg se baladant virtuellement dans Porto Rico ravagé par l’ouragan Maria.
Planète perso. Selon la chanteuse Grimes, le rappeur Lil Uzi Vert aurait acquis une planète, WASP 127-b. Pour l’avocate Michelle Hanlon interrogée par Numerama, ça ne fait pas un pli : “Il n’est pas du tout possible ‘légalement’ d’acheter une planète. Un point c’est tout”.
Adaptation. Toujours chez Numerama, la vigie Marcus Dupont-Besnard nous apprend que l’ouvrage d’Octavia Butler dont on a déjà parlé ici à plusieurs reprises, La Parabole de Semeur, va prochainement faire l’objet d’une adaptation au cinéma. A suivre.